Fran Lebowitz : perspicace, impitoyable et plus actuelle que jamais
- Publié 02 oct. 2025

Le 20 septembre, Fran Lebowitz est montée sur la scène de VIAGE à Bruxelles. La salle était pleine à craquer pour la légendaire voix new-yorkaise du sarcasme, du style et de la critique sociale.
An Evening with Fran Lebowitz s’inscrivait parfaitement dans le cadre de la Journée internationale de la démocratie célébrée cinq jours plus tôt. La légendaire auteure et observatrice sociale new-yorkaise a démontré une fois de plus pourquoi elle reste l’impératrice non couronnée du sarcasme depuis plus de quatre décennies. Elle a sévèrement remis en question la culture politique actuelle de son pays, décortiqué certains privilèges et dévoilé sans pitié l’hypocrisie.
La sphère d'influence de Fran Lebowitz
C’était clair dès le premier instant : cette soirée n’annonçait pas un divertissement tout en légèreté ou des anecdotes sans engagement. Fran Lebowitz est venue, a vu et a taillé. Dans les pensées, dans les systèmes et dans les personnes. Elle a non seulement mis fin à l’été de manière symbolique, mais aussi à l’idée que nous vivons dans un monde confortable. Un monde où tout fonctionne naturellement. « Même un kleenex ne sort qu'à moitié de sa boîte, » ricane-t-elle. Ce n’est pas une blague, mais un symptôme. D'une société qui perd prise sur l’efficacité, la logique et l’équité.
La démocratie attaquée
Les observations acerbes de F. Lebowitz sur la politique américaine sont particulièrement pertinentes dans le contexte de la Journée internationale de la démocratie. Elle a analysé sans détour l’élection de Trump : « Trump a été élu sur base du racisme et de la misogynie ». Son analyse va plus loin que la rhétorique politique superficielle. Elle a dévoilé les racines historiques. En résumé, elle a affirmé que les républicains voulaient revenir à l’époque qui précède la guerre de Sécession. Les États confédérés du Sud votent républicain et sont fidèles à Trump parce qu’ils ne se sont jamais remis des pertes subies pendant la guerre de Sécession. Elle a également décrit la manière dont l’élection de Barack Obama a ébranlé les anciennes structures de pouvoir. Et comment Trump a impitoyablement utilisé cela — non pas en dirigeant, mais en divisant. Jusqu’à ce jour, il suffisait d'être un « homme blanc hétérosexuel » pour avoir un statut. Aujourd'hui, il ne reste que la frustration, car cela ne suffit plus.
Cette observation est au cœur de nombreux défis démocratiques contemporains : la peur des relations de pouvoir qui changent et la résistance face à l’inclusion qui est fondamentale pour une démocratie saine.
L'incompétence comme seule qualification
Avec l’humour qui la caractérise, F. Lebowitz a également dénoncé la normalisation de l’incompétence dans les administrations publiques. Pour rejoindre l’administration Trump, il faut être totalement incompétent, a-t-elle argumenté. Cela revient à dire ceci :
« J'ai une fuite dans ma cuisine. Connaissez-vous quelqu’un qui n'est pas plombier ? » - Fran Lebowitz
Cette déclaration illustre parfaitement à quel point les institutions démocratiques peuvent être sapées lorsque l’expertise et l’expérience ne sont plus considérées comme des qualifications pour une fonction publique. La salle a ri, mais personne n’a oublié la gravité du message.
Progrès malgré tout
En réponse à une question du public, F. Lebowitz a également reconnu les progrès réalisés. La situation des femmes et de la communauté LGBTQ est bien meilleure aujourd’hui que dans les années 60. À l’époque, être homosexuel était un crime passible de prison. Une chose qu’elle évitait elle-même à tout prix. Avec sa petite silhouette frêle, elle ne survivrait pas dans un endroit où les gens sont enfermés pour de vrais crimes. Son sarcasme ne ferait fuir personne, a-t-elle plaisanté.
La soirée avec Fran Lebowitz était, comme annoncé, « non pas une conférence, mais un exercice mental sous forme de satire. » Avec ses analyses pointues, F. Lebowitz a tendu un miroir indispensable au public. La démocratie, c’est non seulement voter, mais aussi faire preuve d’esprit critique, dénoncer l’hypocrisie et avoir le courage d’affronter les vérités qui dérangent.
VIAGE : un sanctuaire pour les libres penseurs
Ce soir-là, le théâtre The Viage a été, plus encore que d’habitude, un endroit sûr, mais aussi tranchant. Un endroit où la discussion ne connaît pas de limite, où l'inconfort est le bienvenu, où le questionnement est permis, même s’il n’y a aucune réponse facile. Et un endroit où une icône new-yorkaise — ouvertement lesbienne, au verbe brillant et au style affirmé selon ses propres règles — a prouvé qu’une pensée de haut niveau attire toujours un public. Un public nombreux et à guichets fermés.